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jeudi 23 février 2017

Chimio 3, mes globules blancs ont foutu le camp !

 
Mon Calendrier de l'Avent...


Mardi 1er Mars

   Chaque jour passé, je le marque d'une croix. Sur mon frigo trône un calendrier sur lequel je note tous mes rendez-vous avec le chirurgien et l'oncologue, les prises de sang, les piqures d'hormones, mes chimios, les weekend où mon père vient me rendre visite, les séances de sport à la clinique, les séances de sophro, les rendez-vous avec le cardiologue... A ce stade, je ne peux plus compter sur ma mémoire, trop d'informations à traiter. C'est comme quand on attend un événement, Noël, un anniversaire, un weekend entre amis, une naissance, etc. Mais il n'y a rien de tout ça sur mon calendrier. Tout ce qui y est noté est en rapport avec mon cancer. Alors quand je regarde ce foutu calendrier sur mon frigo je me dis « P*****, maintenant c'est ça ma vie ! ». Sur chaque page de mon calendrier j'ai une visibilité sur deux mois. Ça résume parfaitement la situation finalement. Quelle visibilité j'ai sur le reste de ma vie, aujourd'hui ? Est-ce que je peux prévoir un weekend où une soirée au-delà de deux mois ? Est-ce que je serai encore là ?
Je ne sais pas quand je tracerai la dernière, ni ce qu'il adviendra ce jour-là, mais chaque jour passé je le marque d'une croix.

   Chimio ou pas chimio ? Question du jour à l'hôpital de jour, après multi-prises de sang, mes globules blancs ont foutu le camp !
J'ai vu l'oncologue il y a quelques jours, ma prise de sang n'est pas au top, - le moral non plus mais apparemment c'est lié ... -, je suis épuisée.
Peu à peu je me transforme en zombie. 
J'ai dû refaire une prise de sang hier qui visiblement n'est toujours pas bonne... C'est la neutropénie, - pénurie de leucocytes- ! Je suis à 650/mm3 et, en dessous de 500/mm3, c'est la chambre stérile... Mon corps dit stop, il ne peut plus se défendre contre les attaques.
Du coup ce matin, arrivée tôt à l'hôpital, je patiente, mon oncologue attitré n'est pas là, mon cas est entre les mains d'un de ses collègues.
L'infirmière vient me faire une troisième prise de sang qui déterminera si on peut me faire ou non cette cure de chimio aujourd'hui, car c'est elle la responsable, elle qui me flingue toutes mes défenses immunitaires...
J'imagine l'intérieur de mon corps comme dans un épisode d'Il était une fois la vie,véritable champ de bataille dans mes veines, la chimio a décimé mon armée de globules blancs, quelques résistants se cachent dans les tranchées, casques et armes au point. On aurait bien besoin de forces alliées !
Si jamais ce n'est pas pour aujourd'hui, ça ne sera que partie remise, je n'échapperai pas à cette troisième injection il faudra seulement patienter quelques jours que mes petits soldats se remettent sur pied !

Ma transformation en zombie

   Environ une heure plus tard, bonne nouvelle, les globules sont de retour, du moins juste assez nombreux pour qu'on m'injecte mon poison, je n'y couperai pas, - je suis bonne pour passer toute ma journée à l'hosto ! -
Du coup, pour éviter que mes leucocytes restent trop peu nombreux à se battre, on me prescrit des piqures de Neulasta, à faire dès le lendemain, et pour la prochaine cure. C'est comme de l'EPO, - donc on va me doper comme un cheval de courses ou un coureur cycliste du tour de France ! -Sauf que, pas de course à gagner pour moi, mon seul défi c'est de tenir encore debout pour la suite du traitement !
Ce jour-là c'est la totale, sortie tard de l'hosto, heure de pointe oblige, le seul VSL qui peut me prendre en charge est une ambulance.- Heu, les gars je n'en suis pas encore à ce stade-là, je tiens encore sur mes deux jambes ! -Je négocie pour éviter le brancard, - j'ai déjà suffisamment la nausée comme ça -et je prends place sur le siège arrière réservé au brancardier. Je rentre donc chez moi escortée dans ma limousine blanche et bleue en essayant d'indiquer aux ambulanciers le chemin le plus court pour me ramener à domicile ! Situation loufoque qui nous a valu un bon fou rire !

   Pour ce qui en est de la prochaine chimio je ne suis toujours pas fixée, mais toujours angoissée, on verra déjà comment je supporte celle-ci avant de prendre une décision. 
Comme d'habitude, je ne suis pas au top les jours qui suivent mais c'est déjà un petit peu mieux. Sur les conseils des infirmières et de mon frangin, je me suis munie de nouvelles armes pour contrer les effets secondaires. Du gingembre frais rappé dans toute l'eau que j'avale pour calmer les nausées. Du Tramadol pour estomper les maux de tête et les mots de travers. Je me sens comme dans du coton mais j'arrive à tenir debout et je fais l'effort de sortir. Mon père est là et Mathieu aussi, ils me baladent, musée d'archéologie de Lattes, promenade dans le village des Matelles, découverte d'une source dont l'eau est d'un bleu laiteux magnifique... Un peu de nature, d'air frais et d'amour, ça fait toujours du bien. Mais je prends vraiment sur moi pour faire un pas après l'autre. Je suis obligée de m'arrêter pour reprendre mon souffle, de m'asseoir régulièrement car par épisodes mes jambes ne me portent plus et la moindre odeur forte déclenche des nausées, - je suis à deux doigts de vider le contenu de mon estomac dans les ruelles pavées à l'heure du déjeuner -. J'ai aussi très mal au ventre. Je souffre depuis plusieurs années du syndrome du colon irritable - Intestins en colère - et le Fec ainsi que toute la médication à avaler post-chimio n'aident pas mon affaire. Probiotiques, cure de pruneaux entiers et en jus, j'essaye de calmer le courroux de mes entrailles. 

Les petits coins de Paradis de Mathieu

     Le vendredi suivant c'est roulement de tambour pour un grand moment de vérité, je vais avoir les résultats du test génétique. 
Ça fait des nuits que je ne dors pas - donc j'écris -. Si le test est positif et que je suis porteuse du gène, mon crabe risque de ne pas me lâcher les miches et de revenir encore et encore... Et si je suis encore là, que je peux avoir des enfants, combien de risques que je leur transmette cette merde ? Comment on vit avec ça sur la conscience ? 
Je me rends à mon rendez-vous à l'ICM avec les renforts : Mathieu et mon père m'accompagnent. Cette fois, on arrive du bon côté de l'hôpital ! On repasse par l'accueil, le secrétariat, la salle d'attente, le dédale de couloirs et enfin la salle de consultation. Je ne me sens pas bien. J'ai chaud. Mon cœur bat la chamade.
Le Dr D'hondt arrive, mes résultats sous le bras : ils sont négatifs ! Mon cancer n'est pas génétique, - Angie et moi, nous ne sommes pas cousines ! -.

   Un peu de baume au cœur dans cette triste histoire... Moins de risques de récidive, ma famille n'aura pas à faire les tests et – à condition que ça fonctionne encore -je pourrais avoir des enfants, sans culpabilité, - enfin, si je survis à tout ça !-. Trois semaines d'attente m'ont semblées une éternité alors je n'ose imaginer ce que ressentent toutes ces femmes qui passent par les voies lentes et habituelles de la médecine et qui attendent jusqu'à un an pour avoir ces résultats.

   Cette même journée j'ai rendez-vous avec l'onco-généticien. Celui qui interprète les résultats. Il ne ressemble pas à un docteur mais plutôt à un détective d'un film d'Hitchcock, veste en tweed, il ne lui manque plus que la pipe. Je lui transmets les résultats. Il les regarde et m'annonce à son tour que c'est bien. Il me dit qu'il n'y a pas vraiment d'explications à mon cancer, que l'environnement, les pesticides, la pollution, le tabac, la pilule ou encore la mal-bouffe n'en sont pas la cause. Ils sont simplement des facteurs aggravants pour tout le monde contrairement à ce qu'on entend partout. Il m'expose le fait suivant : "Le corps humain fabrique des cellules cancéreuses, mais comme il est bien fait des agents les éliminent. Seulement parfois certaines cellules passent à travers les mailles du filet. Ce sont des erreurs, votre cancer est une erreur dans l'évolution Darwinienne."
Je ne cherche pas d'explications à mon cancer, je m'en fous ; on ne peut de toute façon revenir en arrière, et faire les choses autrement. Je veux juste que lui disparaisse et moi pas.

   Je vais mettre quelques jours à réaliser et à prendre conscience de ce qu'implique cette nouvelle information, mais je sens à travers le regard de mon père et celui de Mathieu que c'est vraiment une bonne nouvelle. Et j'en avais besoin, tout comme eux, pour garder de l'espoir. 
Évidemment, à la fin du rendez-vous, la discussion revient encore une fois sur cette quatrième cure de FEC qui me contrarie...Le docteur insiste vraiment sur le fait que mon cancer est atypique et agressif, et qu'il faut l'être en retour. On verra bien, j'ai encore besoin de temps pour avaler la pilule, et je veux en parler avec mon chirurgien et mon oncologue. Je veux que la décision soit unanime pour que mes doutes volent en éclats.

Noir Désir - Des armes

10 commentaires:

  1. Tu te fais du bien en écrivant, et tu nous fais du bien aussi. Merci Lisa !
    Grosses bises
    Alexis

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    1. Merci Alex. J'espère que tout va bien pour vous. On s'appelle bientôt. Bises

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  2. Bonjour Lisa, c'est Joëlle la maman de Julie (VERTE)
    J'ai appris l'an dernier par J Louis et Gisèle l'épreuve que tu traversais ! Mais je n'avais pas connaissance de ton blog ..... ( C'est Julie qui m'en a parlé la semaine dernière) .
    Tes récits m'ont bouleversé !! Tu es une jeune femme courageuse Lisa et ton témoignage en est la preuve ! Tu as appréhendé ta maladie avec un réalisme surprenant et sans fausse pudeur ! Tes textes sont à la fois durs et tendres ... Dans tes lignes , tu as su retranscrire tes peurs, ta colère, tes espoirs, tes questions et ta fragilité au fil des mots est devenue ta force ! Tout cela semble tellement injuste , si jeune, si belle, si pleine d'envie.....ta bataille est une ode à la vie .....
    J'imagine que ton récit t'as aidé à mettre la maladie " à terre " .... tu l'as provoqué, tu l'as nargué.... tu l'as maudis !!!! Mais tu es la plus forte ..... elle va le comprendre .... elle va devoir abdiquer !
    Si j'ai bien suivi la chronologie des évènements, tu attends désormais de nouveaux résultats suite à cette longue année de traitement???
    Alors aujourd'hui , nous nous permettons Emile et moi de te souhaiter une année 2017 pleine de bons examens , avec une maladie qui régresse , ainsi qu'un monde d'amour autour de toi ... mais ça nous avons compris que tu l'avais déjà. Nous t'embrassons bien fort Lisa . Transmets toute notre amitié à ton papa et embrasses également Antoine pour nous .
    Joëlle et Émile

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    1. Merci Joëlle pour ton message. C'est très touchant. Effectivement, aujourd'hui j'ai terminé les traitements et j'attends mes prochains examens, savoir où j'en suis. J'espère que tout va bien pour vous. Je vous embrasse.

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  3. Bonjour Lisa,
    Je ne te connais pas, et tu ne me connais pas, mais on partage le même "truc"... Bon, j'ai un peu d'avance car les traitements, pour moi, sont terminés depuis fin 2015... et que le chemin de croix se termine.
    Alors non, ta vie ça ne va pas être que cette impression d'être un zombie, le temps du cancer, la ronde interminable des rendez-vous, les prises de sang, les séances de chimio et toute la kyrielle incessante de ces "obligations" dont on se passerait bien et qui nous plonge dans une sorte de course où l'on n'a même plus le temps de se recentrer et de penser... Tout ça va se terminer, un jour... Mais en attendant c'est moche. C'est dur. Tiens bon ! L'écriture est une bonne "thérapie" et plus que cela sans doute. J'ai écrit aussi, pour ne pas être engluée, engloutie dans ce tourbillon morbide (J'ai mis ton blog en lien sur le mien > karkinoland.jimdo.com).
    Tiens ... Les Matelles ! J'y allais souvent manger dans un petit restau sympa, lorsuqe j'étais étudiante à Montpellier... en 1970 !... J'adore ce village.
    Au fait je me suis permis de te tutoyer... comme une frangine de combat :)
    Prends soin de toi !

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    1. Bonjour Mary, et merci beaucoup pour ton message, ça fait beaucoup de bien. Même si j'ai bien conscience, que quelque chose d'autre m'attend après le cancer ça fait toujours du bien de l'entendre (ou de le lire), et encore plus quand ça vient d'une grande sœur de combat ! L'écriture est la meilleure thérapie que j'ai pu trouvé, j'y prend beaucoup de plaisir, et moi habituellement si discrète sur mes sentiments, je me livre et le délivre complétement. Merci pour le lien de ton blog, (et d'avoir partagé le mien), je vais lire.
      Prends soin de toi également, frangine !

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    2. Pour moi aussi, écrire fut la meilleure des thérapies (et deux compagnons de route : mon homme et notre fille... et ça compte !). L'après, n'est pas et ne sera jamais comme l'avant : mais cette "expérience de vie", si singulière et si forte, peut être comme une sorte de catharsis qui nous emmène plus loin, plus haut et plus profond dans la connaissance de soi et du monde. Ton récit, ton "journal de bord" va t'aider à franchir des caps (Cap Horn mais aussi de Bonne Espérance...) des gouffres et des parois vertigineuses. C'est un long voyage...Cette drôle de maladie nous apprend à jouir de la plus petite chose, plus petite parcelle de vie, de lumière, d'amour.
      Merci du partage de lien. Merci de ta réponse. N'hésite pas à me contacter si besoin (ou envie de parler) est.
      Fais confiance à ton corps ! Il "sait" ce qu'il a à faire malgré les poisons chimiques déversés en lui.
      Et tiens bon la barre "petite sœur" !

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  4. Bonjour Lisa. Je suis bouleversée. Je viens de lire ton blog, découvert par hasard (je ne suis pas une fan de Facebook). Tu te livres toute, tu nous livres tout : angoisses, peurs, moral au fond des chaussettes, mais aussi humour sur la déco des milieux hospitaliers, sur tes tenues si sexi avant les opérations, tes espoirs aussi car c'est nécessaire et surtout TOUT l'AMOUR dont tu es entourée.... Tu n'as pas le choix mais tu l'as tellement bien mené ce combat, cette guerre, même si tes petits soldats t'ont un peu lâchée.
    Et cette plume !!! Je repense (même si je n'ai jamais cessé d'y pensé) à Laurence, mon amie, qui écrivait tellement merveilleusement et qui s'est aussi tellement battue...... Elle s'en était sortie. Tu t'es aidée en écrivant et tu as aidée aussi. J'étais tellement contente de te retrouver il y a 21 mois à Montpellier, chez Alexis. J'espère te revoir bientôt à l'occasion et Minou aussi. Fais lui de grosses bises de ma part et à Antoine aussi. Ils sont plus que merveilleux tous les deux.
    De grosses bises émues et tendres. Gisèle

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  5. Bonjour Gisèle, merci beaucoup pour ton message c'est très touchant ! Je n'ai jamais pris le temps de répondre à votre mail, mais il m'avait beaucoup émue. Effectivement j'ai a priori hérité de la plume de ma mère, et c'est pour moi la meilleure des thérapies! J'étais contente également de vous revoir à Montpellier,et j'espère que vous allez bien.
    Je vous embrasse tous les deux.
    Peut-être à bientôt.

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