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10 jours d'Hypocondrie-LS |
19
juin 2017
Dix
jours dans la peau d'une hypocondriaque. Ce n'est pas le titre d'un
film mais ce que j'ai vécu. Ce n'est pourtant pas mon genre...
D'habitude je donne plutôt du "ce n'est rien, ça va passer, rien de
grave, même pas mal !" Je crois que je peux classer cela dans la
liste des effets secondaires du Cancer ! Dix jours toxiques, dix
jours affreux, à penser que le Cancer était revenu, qu'après le
sein droit il s'attaquait au sein gauche –
manœuvre de traître - !
Dix
jours de réflexions qui fusent dans tous les sens : Foutu
Cancer ! Si je fais une récidive, je ne retournerai pas en
chimio, impossible, trop tôt, je ne veux pas revivre cela une
deuxième fois. Rien qu'à l'idée j'en ai déjà la nausée. La
radiothérapie, les opérations, passent encore mais pas de
chimiothérapie. Et si je n'ai pas le choix ? Je laisse tomber ?
Je me laisse mourir ? J'abandonne tout et tout le monde ?
Peut-être bien... Est-ce que je pars vivre mes derniers jours dans
un endroit paradisiaque, sans contraintes, sans douleurs ? Que
vont penser les autres ? Mon entourage, ma famille, mes amis ?
Je ne dirai rien … Je partirais leur laissant croire que tout
va bien... Est-ce que je dois écrire un testament –
j'avoue que je ne possède pas grand chose de valeur – et
donner les directives de mes obsèques ? M****, est-ce que je
dois vraiment leur faire subir ça ?
Et
j'en passe...
En
tout cas, je me suis infligée cela à moi-même durant ces dix
jours... Étrange car durant plus d'un an de traitements je n'avais
pas beaucoup pensé à tout cela ou en tout cas j'avais mis ce type
de pensées en sourdine. J'avais plutôt choisi de mettre toutes mes
forces dans la bataille et je m'étais promis d'avoir ce genre de
réflexions seulement en cas d'échec cuisant contre le crabe !
Sauf
qu'à l'époque je ne savais pas ce qui m'attendait... L'angoisse
n'est plus la même. A ce moment-là, je crois que j'ai moins peur de
mourir que de revivre les traitements.
Il
suffisait pourtant d'attendre dix jours pour savoir avant de
commencer à se faire du mouron. Mais nous sommes tous pareils, quand
la peur prend le dessus, la raison se tait...
Lundi
19 juin, l'heure du verdict a sonné. Mon père et Emilia sont à
Montpellier mais comme à mon habitude je me rends seule au
rendez-vous. J'ai déjà du mal à gérer ma propre peur alors je ne
veux pas de celle des autres.
Je
me sens très mal, plus je me rapproche de la clinique, plus j'ai la
nausée. J'ai tellement envie de faire demi-tour. Je veux savoir mais
je ne veux pas savoir...
Salle
d'attente, mon cœur bat tellement fort que j'ai l'impression que
tous les patients assis autour de moi peuvent l'entendre. Je sens mon
corps assis là sur la chaise mais mon esprit lui tente de
s'échapper, loin, très loin.
Le
médecin qui a pratiqué la biopsie, entre dans la salle et me ramène
à la réalité. Il vient me chercher et me fait entrer dans une
toute petite salle impersonnelle avec trois chaises et une petite
table basse. Drôle d'endroit pour annoncer de drôles de nouvelles.
Il tient mon dossier à la main. Je tente de décrypter chaque
mimique de son visage avant même qu'il ait ouvert la bouche pour
essayer de deviner la bonne ou la mauvaise nouvelle.
Il
a un grand sourire, pas vraiment la tête d'une mauvaise nouvelle,
enfin j'espère sinon c'est bizarre.
- Tout
va bien ! Je vous l'avais dit ! C'est de la mastose.
- Même
ce petit nodule que je sens en permanence, c'est de la mastose ?
- Oui !
Tout est OK. Il n'y a pas à s'inquiéter.
- Mais
qu'est-ce que c'est d'ailleurs la mastose ?
- Ce
sont des kystes ou des fibroses qui se forment dans les seins à
cause d'un dérèglement hormonal. C'est souvent douloureux avant le
début des cycles et très fréquent notamment en pré-ménopause.
- OK
mais je n'ai que 30 ans et je n'y suis pas encore à la ménopause !
Ça se traite comment ?
- Et
oui, ça arrive parfois à la suite d'un cancer... les seuls
traitements sont à bases d'hormones donc ils vous sont interdits.
- Ah. OK, merci. Au revoir ou adieu plutôt.
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Je
sors de là et j'ai l'impression de planer ! Je me retourne vers
ce grand bâtiment blanc entouré de palmiers, et je sens le soleil
qui m'effleure le visage. Je me sens bien. J'esquisse un sourire.
« Allez, salut ! »
Tout
va bien. C'est enfin une réalité. Plus d'hosto pour un petit
moment. Enfin jusqu'à la reconstruction bilatérale prévue dans
quelques mois. Mais en attendant je vais pouvoir vivre, vraiment !
Prendre de nouveau la vague sans trop me soucier du cancer et avec
Dame Oclès un peu plus loin dans mes sillons.
Je
saute dans ma voiture pour m'éloigner le plus vite possible de cet
endroit et annoncer la bonne nouvelle. J'appelle d'abord Mathieu car
c'est avec celui que j'aime que j'ai envie de partager ce moment de
libération, en premier ! « Je vais bien, ne t'en fais
pas ». En prononçant ces mots, ils résonnent dans ma tête
comme un écho et c'est à cet instant précis que je prends
conscience de ce qu'ils signifient réellement. Comme si je me le
jurais enfin à moi-même « Je vais bien, ne t'en fais pas ».
Puis je retrouve papa et Emilia pour leur dire. Les peurs tombent et
le soulagement s'installe. Ouf !
On
oublie toutes ces réflexions qui m'ont polluées durant ces derniers
jours. Je suis enfin prête à revivre, à tourner pour de bon la
page de cet étrange épisode de ma vie, car même si je sais que le
Cancer peut revenir à tout moment, il peut aussi toucher n'importe
qui n'importe quand et aujourd'hui, dans l'instant présent, je vais
bien.
Peut-être
en effet que, comme le pensait mon chirurgien, cet examen était
superflu mais il m'aura permis d'être enfin plus sereine et de me
libérer de ces chaînes qui m'empêchaient d'avancer.
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Ste Enimie - Lozère |
J'ai
maintenant envie de vivre présente dans le présent. J'ai prévu de
passer mon été en Lozère avec Mathieu pour travailler dans la
crêperie familiale. Je ne profiterai pas des bains de soleil en bord
de mer mais plutôt du charme d'un village médiéval et des
baignades en rivière, entre deux services.
J'aurais
pu partir en vacances mais j'ai fait plutôt le choix de renouer, à
ma façon, avec la vie sociale et professionnelle. Le travail
saisonnier est un peu violent comme retour à l'emploi mais je sais
que ce n'est que pour quelques semaines et que je serai bien
entourée. Cela va aussi me permettre de savoir ce que mon corps peut
et ne peut plus faire. Mais aussi de changer un peu d'air. Je pars
dans un nouveau souffle pour mieux me reconstruire.
Et
quand viendra le mois de septembre, ce sera la dernière étape de ma
reconstruction physique. Je repasserai sous le bistouri de mon
chirurgien pour essayer de réparer tant bien que mal les dégâts
causés par la maladie, la chimiothérapie et la radiothérapie.
Après presque deux ans je pourrai enfin vivre ma prochaine vie, tel
un chat.
Girls In Hawaii - Flavor