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mardi 3 octobre 2017

Le jour d'après...



La fée aigue-marine Crédit photo @SweetOpaline


Février 2017

   Je perds la notion du temps. Je ne sais plus quel jour nous sommes depuis que ma vie n'est plus rythmée par le calendrier de mes rendez-vous médicaux. J'ai également du mal à trouver une raison de me lever le matin puisque je ne sais plus où je vais. 
Je ne m'ennuie pas. Je continue d'écrire, de dessiner, de coudre, de tricoter, etc. mais je ne vois plus la suite se profiler. 
J'ai su prendre des décisions pour le présent comme celle de quitter mon boulot mais pour ce qui est d'un futur... Lorsque je tente de regarder un peu plus loin, tout ce que je vois est flou. 
J'ai trop peur de ce qui va ou de ce qui peut arriver pour regarder au-delà. 

   J'ai envie de tout oublier, de passer à autre chose, de ne plus me sentir malade, d'avancer, de reprendre ma vie en main mais pour l'instant je n'en ai pas la force. Pourtant je me sens forte, mais j'ai peur. 

   Mes prochains examens seront dans quelques semaines. Je n'y pense pas vraiment. En tout cas je fais tout pour ne pas y penser. Je vis au jour le jour, je remplis mes journées pour combler une absence, pour camoufler mes angoisses. 
J'y arrive plutôt bien. Je ne me sens pas déprimée mais je ne me sens pas non plus heureuse. Je suis vide. La maladie a grignoté mes rêves et mes envies. Je ne fais plus vraiment la différence entre ce que je ne veux plus et ce que je ne peux plus faire. 

   Tout est différent maintenant, moi, mon corps, mes capacités. Et je ne sais pas encore ce qui sera permanent et ce qui ne le sera pas. J'ai beaucoup de choses à accepter, beaucoup de choses à avaler dans le présent avant de pouvoir un jour voir de nouveaux projets se dessiner. 


30 ans...


   Comment en tombant malade à trente ans on arrive encore à construire son avenir ? Sans la peur que tout recommence demain ?
À chaque examen je tremblerai comme une feuille. Et si le Cancer ne veut pas me lâcher ? Jamais ? Est-ce que ma vie ça va être comme cela maintenant ? Rythmée par la peur de devoir se battre pour ne pas disparaître ? Tout le temps ? 
Comme si forcée de survivre durant ces derniers mois, infantilisée par la médecine, l'adulte en moi ne savait plus vivre...
Peut-être est-ce une renaissance ? Mais je n'y suis pas préparée, je ne sais pas comment l'aborder...

   Il y a quelques semaines, j'ai vu passer sur les réseaux sociaux une invitation à une réunion d'information, sur le retour et le maintien dans l'emploi après une maladie, organisée par une association, Le jour d'après
Je ne suis pas prête à reprendre le boulot pour le moment mais la peur de ne jamais être prête me travaille. Je sais bien qu'à un moment donné, je n'aurai plus le choix. Je suis inquiète. Je ressens la pression des autres. Mais je ne sais plus ce que je veux, ce que je peux. Quand ? Et surtout comment ? J'aimerais pouvoir continuer dans la décoration mais j'ai peur de trop m'user... Pourtant je ne sais rien faire d'autre. 

   Peut-être que j'irai y faire un tour. J'ai envie d'en savoir plus. « Le jour d'après », ça me parle ! Car justement je suis dans cette phase « d'après » que je vis difficilement. Peut-être que ce sera l'occasion de rencontrer d'autres malades, qui se posent les mêmes questions que moi, qui ont les mêmes inquiétudes. Et puis j'ai envie de savoir ce qui pourrait m'attendre le jour d'après !

   Quelques jours plus tard, Christophe, président de l'association, me contacte par messagerie. Il a noté mon intérêt pour la réunion d'information et souhaite savoir si je vais m'y rendre. 
Je ne sais pas. Est-ce que j'arriverai à me lever un matin pour y aller ? Est-ce que j'ai envie d'y aller ? Ou est-ce que je ne préférerais pas plutôt procrastiner une fois de plus et ne pas penser à demain ? Je m'accroche tellement fort à ma liberté de prendre mes propres décisions depuis qu'on me l'a rendue que finalement je n'en prends pas vraiment !

   La veille de la réunion, je me mets un bon coup de fouet ! Allez, vas-y !
Le fait que Christophe m'ait contactée pique ma curiosité. Ça ne me coûtera pas grand chose d'aller y faire un tour 
– ils proposent même un petit déjeuner -,je ne m'engage à rien, j'y vais pour écouter. 

@Association Le jour d'après

   Le jour J, mon réveil a raison de moi. Je parviens à terrasser l'envie de rester sous la couette. Une douche, je saute dans ma voiture, le gps me guide jusqu'à eux. Je passe timidement la porte, emmitouflée dans mon manteau, écharpe nouée, bonnet vissé sur la tête. Je me planquerai bien au fond de la classe ! Je n'assume toujours pas mon physique de post-cancéreuse, surtout depuis que j'ai abandonné ma belle perruque bleue, derrière laquelle je me cachais...
Je suis l'une des premières à être arrivée. Christophe, le président de l'asso vient tout de suite à ma rencontre. Il se présente. Il me présente Esmeralda, avec qui il a monté l'asso. Ils me proposent un café, puis un croissant...
Je ressens une atmosphère conviviale et agréable.

   La réunion commence. Christophe et Esmeralda nous racontent l'association. Les objectifs. Les chiffres. Les besoins. L'association propose des ateliers, collectifs ou en individuel, pour les malades, du cancer et d'autres maladies chroniques, hommes et femmes, menés par un coach certifié. L'objectif de ces ateliers est d'accompagner le patient dans son retour ou dans son maintien dans l'emploi. 
J'ai des questions, ils y répondent. Je suis séduite par l'idée. J'ai bien fait de me lever ce matin. Il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rencontres. Je suis perdue, ils me proposent un guide. 
Esmeralda m'invite à une prochaine rencontre, en tête à tête, pour m'expliquer plus en détails le fonctionnement des ateliers. 
Comme à mon habitude, mes peurs me font reculer d'un pas, je suis en permanence sur mes gardes. 
Je lui propose d'y réfléchir et de la recontacter. J'ai besoin de faire le point avant de m'engager dans quoi que ce soit. 

   J'y pense beaucoup les jours suivants. J'en parle à Mathieu. J'en parle à mon père. Je n'arrête pas de me répéter cette phrase « Je suis perdue, ils me proposent un guide, ce n'est pas un hasard ».
Je veux retrouver mes envies. Je pense souvent à ma mère et à comment l'après maladie a été difficile pour elle. Elle s'est perdue tellement loin dans l'obscurité qu'elle n'a jamais su retrouver son chemin... 
Je ne veux pas cesser de vivre. Je me suis tellement battue pour la garder ma vie. Je me dois de saisir les mains qui me sont tendues. 

   Je crois qu'au fond de moi, la décision est déjà prise. Malgré mes peurs et mes réticences j'ai la volonté de retrouver un chemin, de quitter mon mode survie pour retourner à la vie. Est-ce que ça fonctionnera ? Peut-être que oui, peut-être que non ! Mais si je n'essaye pas, je n'en saurai jamais rien...
J'irai donc rencontrer de nouveau Esmeralda et je commencerai les ateliers. J'y trouverai un cocon de bienveillance. Je vais y faire de belles rencontres, je vous l'ai dit, il n'y a pas de hasard. Mais ça je vous en parlerai un peu plus tard ! 


Klyne - Water Flow

2 commentaires:

  1. Bonjour, je veux juste te dire que je suis très touchée par tout ce que tu exprimes, notamment l'article "et après", si tu savais comme il m'a touchée!
    Je n'ai pas subi le cancer dans mon corps, mais à travers ma fille de 11 ans et demi à l'époque (13 maintenant, en novembre nous serons à un an de fin de chimio), et tout cela a été tellement violent... Je ne sais pas pourquoi, mais tes mots m'apportent beaucoup et je voulais te le dire. D'ailleurs je me suis autorisée à parler de ton blog sur le forum france lymphome espoir où je trouve aussi régulièrement beaucoup de réconfort, je suis pourtant entourée d'amis, famille... mais partager avec ceux qui ont traversé des épreuves semblables apporte beaucoup.
    Je suis heureuse que tu aies croisé un guide, encore merci de partager ton vécu,
    Poca

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    1. Merci beaucoup pour ton retour ! Cela me conforte dans l'idée de continuer à témoigner de mon vécu, ne serait-ce que pour se sentir moins seul... Effectivement nous sommes nombreux(ses) à partager ces mêmes maux sur lesquels il n'est pas toujours facile de mettre des mots.
      Merci beaucoup pour le partage, j'écris pour moi mais aussi pour tous les autres.
      J'imagine que tu as vécu une terrible épreuve, car quand le cancer touche nos enfants c'est d'autant plus dur et cela demande beaucoup de courage!
      Je vous souhaite que du meilleure pour la suite .
      Amicalement
      Lisa

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