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lundi 23 juillet 2018

Le Retour au boulot.

Le break 

15 Juillet 2018, 

   Deux mois. Cela fait deux mois que j'ai repris le boulot. Ou plutôt, que j'ai commencé à un nouveau poste. 
Je ne compte pas mes deux mois de saison à la crêperie l'été dernier, car c'était d'une part temporaire et d'autre part, je ne l'ai pas vécu comme un retour à l'emploi mais plutôt un test. 
Un test pour mon corps, un test pour mon mental, et savoir de quoi mon nouveau « moi » était capable ou non. 

   Donc depuis deux mois, je suis réellement de retour dans la vie active. Il est donc temps de faire un premier bilan. 
De manière générale, je suis plutôt contente mais je sens bien que c'est loin d'être comme avant. 
Il y a du bon comme du mauvais. 
Déjà, ce n'est pas le boulot de mes rêves, un peu trop administratif pour moi mais ça reste de l'évènementiel et ça c'est mon dada ! 
Mais la déco me manque...
L'avantage est que (la plupart du temps) j'ai des horaires de bureau plutôt cool, le classique 9h-17h, et ça ne m'était encore jamais arrivé. 
C'est donc plus facile de réguler la fatigue, car je peux trouver le temps de me reposer. Par contre les périodes d'évènements sont beaucoup plus difficiles à gérer. Je n'ai vite plus d'énergie et je termine la semaine sur les genoux. Je me sens tellement frustrée. Quand je pense aux semaines et aux heures que j'étais capable de faire avant, je vois bien la « diminution physique » opérée par le Cancer.
Idem pour mon bras. Au quotidien, tant que je n'ai pas à le lever trop haut ou porter des choses lourdes, j'oublie vite l'invalidité. 
Mais au boulot, sur un événement, je porte trois chaises et une table et je ne peux plus me servir de mon bras ni de ma main durant trois jours. C'est l'effet Kiss Cool ! Résultat, le bras en écharpe et le moral dans les baskets... Je suis tellement enthousiaste de me retrouver sur des manifestations, en régie, comme avant, que j'en oublie d'écouter mon corps. 

   Gérer le « Chemofog » (troubles cognitifs liés à la chimio) et les trous de mémoire n'est pas de tout repos non plus. Mais en étant bien organisée, je me débrouille pas trop mal. Un bon paquet de post-it, un carnet dans lequel tous les jours je note ce que j'ai fait ou à faire, des mails à moi-même et l'illusion est presque parfaite ! Bon il y a quelques infos qui passent tout de même à la trappe mais pas plus que pour n'importe qui. 

   Les autres, les collègues, la hiérarchie, le boss, les ressources humaines :

« - Pourquoi es-tu reconnue comme travailleur handicapé ? »
« - Tu as quoi ? »
« - Tu n'as pas l'air invalide ? »
« - Pourquoi tu ne peux pas m'aider à porter ? »
« - Qu'est-ce que tu as fait à ton bras ? »
« - Tu as eu un accident ? »
« - J'ai des soucis de santé. » 
Ma réponse à toutes ces interrogations. 
L'avantage quand tu as trente ans, c'est que personne ne pense une seconde que tu as pu avoir un Cancer. On sait bien que ça ne touche pas les jeunes. 
« Les jeunes, ils ont la santé ! » comme le répète sans cesse ma collègue. 


Vers les plages de l'Aude


   Mon ancien boulot, mes anciens collègues, mes anciens patrons ont tous su que j'avais un Cancer. Il fallait bien expliquer mon départ soudain et les mois d'arrêt maladie. 
Au final, je n'ai pas pu y retrouver ma place...
Lorsqu'on démarre une nouvelle activité, il est encore plus compliqué d'aborder le sujet. 
Et puis le Cancer, bien qu'il fasse parti de moi, ne définit pas ce que je suis aujourd'hui !
J'ai donc choisi de taire mon cancer. Pour le moment. J'ai en effet un poste de contractuel. Je suis donc sur un siège éjectable. A tout moment, ils peuvent me mettre dehors, tout en respectant la loi. Il est donc préférable pour moi de ne pas trop en dire pour l'instant. Bien que mon entourage comme mes supérieurs me paraissent sympathiques... Soyons réaliste, les mentalités sont encore loin d'avoir évolué : un employé malade, diminué par la maladie ou bien qui « risque » d'être à nouveau malade ce n'est ni productif, ni rentable ! Et le mot Cancer –bien que ce ne soit pas contagieux - fait très peur à tout le monde !
Pourtant, je travaille aussi bien que n'importe qui d'autre. Pourtant, mon responsable ne tarit pas d'éloges à mon sujet. Pourtant tout le monde me voit comme une personne efficace, rigoureuse, qui apprend vite, pleine d'énergie...
L'habit ne fait pas le moine. 
Je suis peut-être trop négative mais je suis persuadée que s’ils savaient, leur regard sur moi changerait. 
Déjà bien trop déçu du fonctionnement du milieu professionnel en étant en bonne santé, je me protège tant que je peux aujourd'hui. 
Tant que le mot Cancer n'est pas gravé sur mon front...

   Bref, tout cela pour dire que le retour à l'emploi, après une maladie, c'est loin d'être facile. Je suis heureuse d'avoir suivi les ateliers de l'Association Le Jour d'après car je suis persuadée qu'ils m'ont aidé à appréhender cette reprise. 
Je pense que sans leur aide, cela aurait été beaucoup plus compliqué.
Et je me suis aussi laissé du temps. Malgré la pression du monde. Rien ne sert de trop se presser. J'ai eu le besoin de me reconstruire, de retrouver un peu d'énergie et de penser à moi avant de reprendre les sentiers de « la vie active ». Bien que je ne me sois pas sentie une seule fois inactive durant toute cette période !
-Les absurdités de la langue française -
J'ai abordé cette reprise en étant sereine et confiante. Je suis aujourd'hui pleinement consciente de mes qualités, mon savoir-faire et mon savoir être. 
Le Cancer m'a pris beaucoup mais il m'a aussi apporté – Je haïssais tellement cette phrase, il y a encore quelques mois car je ne la comprenais pas -. Je sais enfin « relativiser ». Je prends beaucoup de recul sur les choses. Je ne me laisse plus « manger » par le travail. Ma vie personnelle est devenue plus importante que le boulot. Je me mets beaucoup moins la pression – encore un petit peu tout de même -et pourtant je suis toujours aussi efficace. Je suis bien moins stressée, bien que je râle beaucoup. 
Je m'exprime, je dis à mes supérieurs lorsque les choses ne me conviennent pas. J'ose dire non. 

   Je me sens enfin reconnectée au monde réel, à la société, à mon entourage, aux autres en général, tout en étant différente de celle que j'étais auparavant et cela fait un grand bien ! 
Je vois aujourd'hui, un peu plus le Cancer comme un lointain souvenir, bien que mon corps me rappelle parfois à l'ordre. Mais un nouveau chapitre de ma vie s'écrit. 

Bon Entendeur - Le temps est bon

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