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vendredi 11 août 2017

Quitter mon boulot

Les portes de l'Agartha - Labyrinthe

Fin Janvier 2017 

   Trois mois. Mes prochains examens sont dans trois mois. Je ne saurai rien de plus avant ça. Alors en attendant je suis quoi ? Je fais quoi ? 
Je replonge dans ma vie d'avant Cancer ? Impossible ! Est-ce que je dois reprendre le boulot ? Je m'en sens incapable. Et reprendre ce boulot encore moins. Je ne peux plus, je ne veux plus. Cela fait un moment que j'y songe. Peut-être même bien avant la maladie. Avant cet électrochoc qui te rappelle que tu es mortel et que c'est toi qui donnes le sens que tu veux à ta propre vie.

   J'adore mon boulot, la décoration, l'évènementiel, fabriquer, organiser, manager, l'adrénaline qu'il me procure, voir ce que je suis capable de produire en peu de temps. Ou faire des choses dont j'ignorais que j'étais capable. Le côté éphémère aussi. Passer des semaines à coudre, bricoler, tapisser, couper, etc. et voir ce décor prendre forme pour quelques heures seulement, procurer de la joie, le temps d'une fête et puis le voir s'éteindre... 

   Mais ce boulot me bouffe. Il est chronophage. Je m'oublie, pour faire vivre une entreprise qui n'est pas la mienne. Je subis les pressions au quotidien, faire toujours mieux, toujours plus, toujours plus vite, toujours plus rentable... Ne pas compter ses heures... Subir le courroux jour après jour du dragon qui règne sur ce royaume merveilleux.
Avec Noëmie on est devenu plus que collègues, nous sommes liées comme les deux doigts de la main pour faire face aux tempêtes et maintenir la barre. Puis se sortir la tête de l'eau à tour de rôle. 

   Aujourd'hui, je ne suis plus à ses côtés et elle a dû quitter le navire avant de se noyer. Je dois faire de même. Ni maintenant, ni plus tard je veux revivre ça. 
Il serait trop facile de dire que je suis tombée malade à cause de ce boulot mais au fond de moi je sais tout de même que l'atmosphère toxique dans lequel nous avons baigné trop longtemps a fini par nous empoisonner... Pourtant des signaux d'alarme il y en a eu mais je ne les ai pas pris en compte. J'aurais dû m'écouter, écouter mon corps un peu plus, un peu plus fort, peut-être que je serai passée à côté de ce Fucking Big C. 

Vue des hauteurs de Sauve 

   Mais aujourd'hui il est là, et je dois faire avec. Ma santé et mon bien-être sont désormais ma priorité si je veux vivre. 
Ma décision est prise. Je sais bien que ce n'est absolument pas le bon moment. Mathieu a repris ses études et c'est déjà compliqué avec tous les frais liés à la maladie. Mais malgré mes peurs, ce sentiment d'inconnu, cette perte de sécurité financière et les difficultés que cela va engendrer, je sais que c'est la bonne décision. Je vais quitter mon boulot. Mon congé maladie prend fin dans quelques semaines. Rien ne m'empêche de le prolonger, encore et encore mais j'ai besoin de cette rupture nette. Trancher dans le vif ! Éloigner tous poisons de mon corps et de ma vie. 

   J'ai peur d'y aller, peur de les affronter. Il n'y a jamais de discussions faciles face à des dragons. J'ai peur de me faire brûler les ailes. Je n'ai plus beaucoup de force, j'ai tout donné dans mes différents combats contre ma « Tu-meurs ». Et face au feu je n'ai que peu d'armes. 
Encore une fois, ce ne sera pas facile. Une nouvelle bataille à coup de chiffres et de paperasse. Des coups bas. Mais je m'accroche. Je demande une rupture conventionnelle qui sera acceptée mais ils ne me faciliteront pas la tâche, comme d'habitude. Rien n'est jamais simple avec eux. Beaucoup de mensonges et de promesses comme dans une mauvaise histoire d'amour. 
J'ai voulu aller trop vite et j'ai commis des erreurs. J'aurais dû me faire épauler ou mieux conseiller. J'aurais dû passer par la médecine du travail et me faire déclarer inapte cela m'aurait évité les mauvaises surprises quand j'ai enfin reçu mes indemnités chômage. 
Mais je me sens délivrée de mes chaînes. 



Les bonnets ont remplacé la chevelure turquoise 


   Maintenant je dois faire un deuil. Celui de mon métier-passion. Je sais que je ne serai plus capable de faire ce que je faisais, de donner autant que je donnais. Mon corps ne me le permettra plus... Cette belle énergie m'a quittée. Mon bras droit me laisse tomber. Je ne sais pas ce que je vais pouvoir faire. Et je n'ai pour le moment plus d'envies. Je suis une coquille vide. J'ai déjà mille ans.
Comment puis-je à nouveau regarder vers l'avant alors que je vis dans la peur de tout recommencer demain ? Les traitements, la douleur, les angoisses, mon corps meurtri un peu plus chaque jour, ce foutu Cancer ! 

   Avant de songer à repaver un chemin de vie il faut que je commence par enlever toutes les pierres qui m'ont faite trébucher. 
Je suis toujours aussi paumée, je ne sais pas où je vais ou bien même si j'arriverai encore à mettre un pied devant l'autre avec ce boulet attaché à la cheville et cette épée de Damoclès au-dessus de la tête. Ma vie est devenue un vrai labyrinthe et le Cancer est mon Minotaure. 
Il veut me dévorer.
Alors en attendant d'en sortir, j'érige des murs pour barrer les routes que je ne veux plus emprunter... 



France Gall - Résiste

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