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jeudi 15 juin 2017

Aujourd'hui j'ai trente ans.

@Otto L.Bettmann - Marilyn 30th 


   Aujourd'hui j'ai trente ans. J'ai trente ans et j'ai un cancer du sein. Je me suis toujours dit qu'avoir trente ans ça serait chouette mais par contre trente ans et un cancer, ça craint...
Comme tout le monde, parfois je me projetais dans l'avenir. J'avais souvent imaginé ma trentaine, mais alors absolument pas comme cela !
Selon les moments, je me voyais soit courir dans tous les sens, gosses sous le bras, chien en laisse, soit sac sur le dos en train de voyager et découvrir d'autres continents ou encore avec ma propre boîte d'évènementiel ou de déco en bonne working girl… Mais j'étais loin, très loin de penser que je me retrouverai sans cheveux, sans sourcils, sans sourire, épuisée, peinture de guerre sur le corps en train de me battre contre ce Fucking Big C...
Evidemment, j'avais bien conscience que je n'étais pas à l'abri, le cancer peut tous nous dévorer mais pas aujourd'hui, pas à trente ans !!!
J'aurai dû avoir la puce à l'oreille, dans ma vie rien ne s'est jamais vraiment déroulé comme prévu !

   J'ai toujours adoré les anniversaires et encore plus, le mien. Une occasion pour être la reine de la journée, faire la fête, s'entourer de ses amis, de sa famille, passer de bons moments, déballer des cadeaux, recevoir beaucoup d'amour...
Je me levais le matin, heureuse de voir mon téléphone s'éclairer à chaque démonstration d'affection, chaque pensée amicale. J'avais envie de me faire plaisir, manger un de mes plats préférés, m’immerger dans des souvenirs d'enfance pleine de nostalgie, croquer à pleines dents mes madeleines de Proust, et la vie aussi... boire un verre avec les copains, embrasser mon amoureux... et profiter de chaque minute pour en faire une longue journée exceptionnelle. Une journée que j'aurais aimée sans fin.
C'était comme si le jour de ma naissance était la seule journée où je prenais conscience de l'importance de ma propre vie, la seule journée où j'étais capable de la savourer. Pourquoi ?


Maman et moi - époque cagoule

   Mais ce matin ce sentiment est absent, ce matin je n'ai pas vraiment envie de me lever. Ce matin j'ai trente ans et pourtant je m'en serais passé volontiers ! Ce matin j'ai juste trente ans et je m'en fous. J'espère vite en avoir trente et un, sans cancer.
Je ne suis pas très en forme, j'ai une sale tête, je suis marquée par le cancer, balafrée par les interventions chirurgicales, et je suis fatiguée par la radiothérapie et épuisée par déjà dix mois de combat. Ce n'est pas possible, ce n'est pas trente ans que j'ai aujourd'hui, c'est cent trente ans !
Aujourd'hui j'ai trente ans et je suis en colère ! Je suis en colère car je me dis que la vie ne me fait pas vraiment de cadeaux !
Pourtant je devrais être heureuse, j'aurai pu ne jamais les avoir, mourir à vingt-neuf ans. Je devrais être heureuse d'être encore là, heureuse de tout ce que je possède à côté de cela, heureuse de ne pas me réveiller sous les bombardements en Syrie, heureuse d'avoir encore mes bras et mes jambes, heureuse de manger à ma faim, heureuse d'être en vie.
Je n'ai ni l'envie ni la force.
Je relativiserai demain...

   Mon cadeau du jour c'est de ne pas avoir de séance de rayons. La machine est en maintenance. Un hasard total mais qui fait mon bonheur. Je me contente de peu aujourd'hui...
Ma copine Laurène est là pour quelques jours, elle vient de Perpignan, c'est vraiment super car on a peu l'occasion de se voir.
Le soleil est de la partie, c'est un des bons côtés de Montpellier, il y a encore de belles journées fin octobre. Ça me change de mes années à Orléans, où ça se passait plutôt autour d'un feu de cheminée qu'avec un rayon de soleil. On sort déjeuner en terrasse. On passe un bon moment, on mange bien, on se boit un petit verre de vin, on papote entre filles. Puis on rejoint Mathieu, son père et son fils pour un café, qui, tête en l'air, a zappé la date d'aujourd'hui, - mais tout va bien, il s'est bien rattrapé - puis on rentre se poser tranquillement à la maison. Une journée simple, presque banale mais sans traitement. Tout ce dont j'avais envie. Juste un bon moment calme, posé, loin des médecins et des hôpitaux.

   Mon père arrivera pour le weekend. Un weekend facile : respirer, se balader, profiter du soleil, en famille, ça me suffira.
Seulement ce n'était pas sans compter sur un groupe de copines rebelles qui, contre vents et marées avaient décidé de m'organiser une surprise pour ma trentaine...
«  Trente ans ça se fête, tu ne peux pas y échapper ! »
Je suis rentrée d'une balade sur le port de Sète avec mes hommes, et mon appartement avait été pris d'assaut par une bande de fêtards montpelliérains ! Des fanions au plafond, des ballons, de la musique, des roses, des cocktails, des amuses-bouches, des amis, des embrassades, des cadeaux... et beaucoup, beaucoup d'amour !

   Et puis quelques jours plus tard, de passage imprévu sur Orléans, j'ai le droit à une seconde surprise party Orléano-parisienne. 
Rebelote, arrivée chez ma meilleure amie pour un dîner, je me retrouve entourée de mes proches pour de nouveaux souffler mes trente bougies !



Merci les copains <3

   « Merci à tous » car même si je n'avais absolument pas la tête à faire la fête, j'avais en tout cas besoin de me sentir encore surprise par la vie !
J'avais besoin de me sentir aimée, j'avais besoin de me sentir encore exister et j'ai été comblée. Ce n'est pas tant les fiestas organisées qui m'ont fait ce bien fou, mais c'est les messages d'amour, d'affection, de présence et de bienveillance qui se cachent derrière qui m'ont touchée en plein cœur. Et si j'ai encore un cœur alors je suis encore en vie.
Je suis encore là, j'ai encore la force de me battre, de combattre ce foutu crabe qui s'accroche à mes miches, la force de continuer à avancer, malgré les injustices de la vie.
Aujourd'hui, j'ai trente ans et je grandis.

Elvis - Happy happy birthday baby

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